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Ce blog n'est pas un livre construit mais un ensemble de touches d'émotions ou de réflexions nées de quelques années de parcours professionnel et amical dans trois pays du Sud essentiellement : Haïti, Congo RDC et le Sénégal. Vos commentaires sont bienvenus autour de ces textes sans prétention. Juste un partage pour aussi faire découvrir de belles histoires au Sud et des moins drôles. Et n'oubliez pas de cliquer sur "plus d'infos" pour voir la suite de chaque billet !

mardi 26 juillet 2011

INTERVIEW DE MUHAMMAD YUNUS « LE MONDE DOIT SORTIR DE LA LOGIQUE DU PROFIT »

http://www.secours-catholique.org/actualite-dossiers/economie-au-service-de-l-homme/interview-de-muhammad-yunus-le-monde-doit-sortir-de-la,9729.html

Le Secours catholique publie une interview intéressante de Mohamed Yunus. A part l'erreur classique de désigner  Yunus comme fondateur du Micro crédit (C'est Raiffeisen à la fin du 19ème siècle) ses propos sont intéressants, comme critique de la micro finance et comme force de proposition pour le social business.

Crédit : KYODO/MAXPPP
Muhammad Yunus, prix Nobel de la paix en 2006 et promoteur du microcrédit, défend dans un nouveau livre l’idée d’une économie plus humaine (1). Il en explique les fondements à Messages.

Quelle est l’importance pour le monde de ce que vous appelez le social-business ?
L’économie sociale ne représente aujourd’hui qu’une infime part de l’économie mondiale. Imaginer une économie déconnectée du profit fait peur car le monde reste aveuglé par la cupidité. Or cette conception de l’homme, représentée par le modèle économique actuel, est étriquée et ne rend pas compte de sa dimension altruiste. Avec le social-business, je démontre qu’il est possible de faire des affaires tout en agissant sur un problème de société. Prenez l’exemple de Grameen Danone qui produit des yaourts enrichis à un prix abordable pour les familles pauvres du Bangladesh dans le but de lutter contre la malnutrition. Est-ce pour autant que cette entreprise française a perdu la tête ? Je ne crois pas.
Quelle est la différence entre entrepreneuriat social et social-business ?
L’entrepreneuriat social est un mot très populaire, souvent confondu avec le social-business. Il recherche le profit tout en répondant à un problème social. Or le principe fondateur du social-business repose sur l’absence totale de dividendes. Un investisseur peut récupérer la somme qu’il a investie dans une entreprise sociale, mais pas plus. Autre exemple : la Grameen Bank est certes une entreprise à but lucratif, mais elle appartient aux personnes pauvres, qui réinvestissent les bénéfices. C’est donc un social-business.
Y a-t-il des limites au social-business ?
Non, aucune. Cette économie possède un potentiel énorme compte tenu du nombre de pauvres. Imaginez le nombre d’entreprises sociales que nous pourrions créer rien que pour permettre l’accès de chaque foyer à l’énergie ! Des sociétés seraient créées pour distribuer à prix abordable des panneaux solaires à chaque famille. Leur objectif ne serait pas de faire du profit mais de protéger la planète. J’ai créé en Haïti un fonds pour le social-business. Au lieu d’attendre que les institutions internationales reconstruisent le pays, j’encourage les Haïtiens à créer des entreprises sociales afin de relever leur économie nationale. Par ailleurs, le social-business ne se limite pas aux pays pauvres, il peut également se développer dans les pays riches, comme aux États-Unis, pour améliorer l’accès à la santé, par exemple. Il n’y a pas d’obstacle au développement du social-business car la créativité humaine n’a pas de limite.
Le social-business doit-il remplacer les associations caritatives ?
Non. Les associations sont indispensables pour répondre aux problèmes d’urgence, comme les catastrophes naturelles, les déplacements de populations. Toutefois je pense qu’au lieu d’attribuer des sommes considérables au développement des pays pauvres, il suffirait de consacrer 10 % de ces montants à la création d’un fonds pour le social-business. Je suis convaincu qu’avec ces 10 % on pourrait créer des entreprises sociales bien plus efficaces pour lutter contre la pauvreté. À une condition toutefois : que ces entreprises sociales soient créées sous l’impulsion des citoyens, sans que les gouvernements s’en mêlent. L’année suivante, on réitère l’opération avec la même somme pour aider à créer de nouvelles entreprises. Il s’agit tout bonnement de planter une graine, et de l’aider à grandir et à se multiplier. Le monde doit simplement réussir à sortir de la logique du profit.
Cette notion de profit a pourtant gangrené le microcrédit en Inde…
Il s’agit d’une dérive du microcrédit. Lorsqu’une institution de microfinance fait des prêts à des taux supérieurs à 15 %, on ne peut plus parler de microcrédit. Par ailleurs, les organismes qui entrent en bourse affichent une volonté de faire du profit et s’écartent des principes fondateurs du microcrédit.
Comment prévenir ce genre de dérive ?
Il faut imposer des limites aux taux d’intérêt à ne pas dépasser. Par ailleurs, chaque pays devrait créer une autorité de régulation du microcrédit, comme c’est le cas au Bangladesh depuis cinq ans. Cette autorité délivre une licence aux institutions de microfinance. Elle supervise leurs taux d’intérêt et permet une plus grande transparence. J’ai développé le microcrédit afin de permettre aux pauvres d’améliorer leurs conditions de vie. Je souhaite que cela continue.
Propos recueillis par Clémence Richard
(1) Pour une économie plus humaine, Éd. JC Lattès, 305 p., 20 euros.

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