LETTRE A MES FRERES ET SŒURS HAÏTIENS
Les larmes, le désarroi, l’angoisse vous envahissent bien sûr
Vous êtes des femmes et des hommes.
Mais je connais votre courage depuis dix ans que nous travaillons ensemble
à construire, dans les collines,
pour changer la vie des ruraux.
Je n’aime pas ce qu’on dit de votre pays sur les télés : « pays maudit »
Pays maudit par qui, pour quoi ?
C’est quoi un pays maudit : sa terre ? Ses hommes ?
Non sens absurde de journalistes à la langue en roue libre.
Mais un grand reporter a dit que vous savez toujours vous relever.
Il vous connaît bien.
La télé sur ce gigantesque tremblement de terre fatigue.
Elle ne montre que les efforts de la communauté internationale,
Des avions qui arrivent… Ce n’est pas ce que vous demandez…
Elle ne montre pas que vous vous êtes déjà organisés,
Que vous êtes vos premiers sauveteurs à mains nues.
Elle fait l’impasse sur tous ces gestes que chacun d’entre vous pose depuis
la soirée et la nuit fatidiques.
Croient-ils que vous êtes bras ballants ?
Croient-ils que vous n’avez pas appris à vous organiser dans l’adversité ?
Nous venons avec nos moyens énormes. Tant mieux.
Petits jeux politiques en-dessous, comme toujours… C’est moi le plus fort, c’est moi le premier !
Mais ces moyens ne seront vraiment efficaces que si on vous entend,
Si on vous écoute. Qui peut vous aimer plus que vous-mêmes ?
Vous êtes capables de dire où sont les gens, quels sont les cas graves ?
Vous avez géré les crises politiques, les pénuries.
Et pourquoi toute cette aide qui reste sur le tarmac ?
Ne peuvent-ils imaginer ce que c'est que d'être sans eau et sans nourriture ?
A côté des cadavres, pendant 5 jours ? Quels grands stratèges ne comprennent pas cela ? Ils traînent car ils ne connaissent pas le pays. Mais vous le connaissez.
Les ruraux vous reconnaissent : qui peut mieux que vous guider l’aide internationale ?
Les secours filent à l’hôtel Montana, là où vont les riches et les étrangers,
Ils ne savent pas que Jacmel, Aquin, Gressier, Carrefour existent ;
Que les paysans ont des âmes et des souffrances,
Et méritent l’attention de la communauté internationale.
Les morts ont des tissus blancs
Qui a mis les tissus blancs ?
Vous existez très fort avec votre envie de survivre.
Je vous admire, frères.
Demain, on saura que la communauté internationale
n’a pas apporté à votre pays le soutien adéquat,
depuis des dizaines d’années :
les secousses sismiques se prévoient,
pour évacuer les populations.
mais comme pour le Tsunami, votre gouvernement
n’a aucun moyen de mesure.
Les cyclones se préparent dans le ciel
mais il faut des instruments de mesure.
L’architecture antisismique a été inventée,
mais ce n’est pas arrivé chez vous.
Les plans d’occupation des sols permettent
d’éviter les constructions anarchiques
dans des zones insalubres.
Mais il faut un ministère de l’habitat,
qui a les moyens en hommes et en technique.
Les victimes seraient moins nombreuses
si les paysans avaient les moyens de cultiver
et de commercialiser leurs cultures,
et de vivre dans le « pays en dehors ».
Mais on fait si peu pour l’agriculture !
En France ça bouge : diaspora, gouvernement, ONG
Même Besson / Hortefeux s’y mettent !
Ils annulent les expulsions de Haïtiens
Quel humanisme… quand les vols réguliers n’existent plus !
On tergiverse pour sauver les enfants adoptés !
L’aide d’urgence vient. Bravo. Pourvu qu’elle ne soit pas détournée !
Demain, il faudra vraiment construire. Dans le durable,
Dans le respect et la reconstruction de l’environnement.
Passer de l’urgence au développement.
Saurons-nous retourner la situation ?
Transformer les esprits ?
Faire de Haïti un modèle de développement ?
Dans un petit pays, cela ne doit pas être difficile…
C’est peut être le message que nous devons faire passer ensemble.
Courage. C’est dur pour vous.
Je ne peux qu’écrire et pleurer.
Mais suis avec vous, si proche
Fraternellement
Bernard TAILLEFER
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