LEÇONS D’HAÏTI

Mars 2010 : je vais enfin en Haïti avec des collègues. Nous faisons le tour de la capitale puis nous arrêtons brutalement. Marre de se sentir voyeurs. Trop d'horreurs, trop de destructions, trop de tentes déjà délabrées. Nouvelle envie d'écrie aux amis haïtiens. D'où ce texte en forme de poème.

Enfant sur les ruines de son école aux Palmes

LEÇONS D’HAÏTI

Mes amis,

Je vous ai retrouvés :

Vivants. Merci (A qui ?)

Avec une tristesse au fond de l’âme,

Si discrète,

Car vous ne vous livrez pas ou peu.

Peur de déverser un torrent de larmes ?

Vous avez peur que la terre bouge encore.

Vous savez que la terre a bougé mais pas nécessairement les têtes

De vos dirigeants.

Vous, cadres, intellectuels

Vous vivez sous tente

Comme les pauvres

Pas par choix

Par survie

Je vis à l’hôtel

Avec la peur

Pas une secousse depuis que nous sommes là.

On vous porte bonheur ?

Confidence

Vous êtes impressionnants

De dignité

De choix

Familles séparées

Vous avez mis femmes et enfants à l’abri

Et vous restez au pays

Pour construire

Je vous admire

J’en oublie ma nouvelle femme (pas beaucoup)

Mais de fait j’en suis loin, pour vous, avec vous

Le Sud m’a torturé

A force de coups d’Etats, de corruption,

de défaillances des gouvernements

d’économies qui sombrent.

Mariages brisés dans le passé.

On n’investit plus nulle part.

Vous méritez qu’on s’engage à vos côtés,

Combattants de l’impossible,

Guerriers des aléas de l’environnement.

Leçons données,

Courage incarné.

Bernard TAILLEFER