Alex va débarquer après demain en Haïti, fort de ses treize années. Bien sûr, j'en fais toute une fête. Et je regarde ses photos, nos souvenirs. En même temps, je découvre que Miss France sortie de Guyane, ne plait pas à tout le monde, les racistes disant qu'il n'est pas possible de faire représenter la France par une noire, de Guyane de surcroît. Je me foutrais volontiers de ces petits esprits atrophiés si cela ne correspondait pas à une tendance forte et montante vers un fascisme à venir.
Alors j'ai plaisir à ressortir ce texte qu'Alex, de mère haïtienne et de père français, a écrit à sa naissance (Bon, j'avoue que je l'ai peu aidé !
Comme il est beau et qu'il y a des pédophiles sur Internet, je me garde de mettre sa photo.
Bonjour
les amis,
Je
suis arrivé le 6 mai 2003 à 9h20, fils de Nathalie Chalviré et de Bernard
Taillefer. Je pesais 3.2 kilos sur la ligne d'arrivée et mesurais 47 cm mais
depuis cela a déjà changé. Maman, qui s'est un peu fait couper le ventre (ils appellent
cela une césarienne programmée) pour me voir, va bien, je crois même qu'elle
est super contente, m'enfin on verra ce qu'elle dira au bout de 25 ans ! Papa,
lui il en a pleuré de joie mais vous savez plus que moi qu'il est émotif. Ca
lui passera.
Côté
prénoms, j'en ai un deuxième : Gaétan. Il a failli être le premier prénom. Va
savoir ce qu'il y a comme compromis entre parents ! Si j'avais été une petite
fille je me serais appelé Malaïka. Il paraît que c'est joli. Papa tenait
beaucoup à ce prénom, celui de la fille d'un de ses grands amis du Rwanda,
Lando, assassiné pour délit de faciès. Malaïka aussi. Comme quoi l'histoire
vous colle aux tripes même quand on est mouflet. Mais on ne refait pas
l'histoire. Je suis mec.
Bon,
déconnez pas. Vous avez vu ma bobine ? Il y a quelques années, maman m'aurait
dit ce qu'elle a dit à mon père : "tu es blanc, blanc, blanc". Mais
il paraît que cela change avec le temps et que cela se voit derrière les
oreilles. Alors papa et maman ont tiré mes oreilles (déjà) et manque de pot,
c'est encore plus blanc que devant. Moi je crois que leur truc ne vaut rien et
ils n'ont qu'à attendre. De toutes façons, ces histoires de couleur de peau, je
m'en balance. Qu'on se le tienne pour dit.
Mon
papa a déjà essayé de me dire ce que je ferai plus tard : "passeur";
passeur entre des cultures qu'il adore : Afrique, Haïti, France. Vous comprenez
que je ne vais pas demander à mon père de se projeter sur moi. Sa vie c'est sa
vie, la mienne c'est la mienne. Je vais lui faire une concession : j'apprendrai
le créole et le français. J'aurai un
pied en France et l'autre en Haïti, c'est sûr. Et forcément en Afrique.
Bon,
je ne vais pas vous fatiguer avec des théories comme mon père (d'ailleurs lui, il
aurait intérêt à lâcher ses ordinateurs et à s'occuper de moi, papa clavier, je
crois que je n'apprécierai pas). J'existe. Point barre. Aidez moi à grandir,
vous les potes de mes parents. Et puis vous, priez, dans vos fois à vous,
musulmane ou chrétienne, pour que je retienne le positif de la vie car mes parents
m'ont déjà soufflé que c'est pas partout génial. Ils ont même dit qu'ils ne
savent pas où c'est génial pour ceux qui n'ont pas d'argent. Et encore qu'on
peut avoir de l'argent sans être heureux. Allez comprendre tout cela.
Salut,
les amis. Je ne peux vous sourire encore car cette sortie au grand jour après
le bidon de maman, c'est du boulot et de l'innovation : rejeter quelques
gouttes de liquide amniotique, prendre en pleine gueule les flashes des
appareils photos, ramasser dans les oreilles la sonnerie du téléphone, du
monitoring, trouver le téton et tirer dessus (il paraît qu'il y en a deux mais
l'autre c'est pour demain), se faire remonter les fesses X fois par jour
(pardon, je ne sais pas encore compter) pour être propre et au sec (bon,
d'accord, c'est pas mal, mais on n'est pas obligé de me tordre comme cela !).
Bref, j'apprends. En tous cas, c'était un plaisir de recevoir les mails (eh, eh
moi aussi je m'y mets !) pour ceux qui ont eu l'appel téléphonique comme quoi
j'étais là (j'avais mandaté mon père).
Portez
vous bien comme moi je me porte bien. Cela fait plaisir de venir dans une
grande famille, car c'est ce que vous êtes, les potes de mes parents.
A
bientôt. Moi je vais retrouver ma maman. Dehors comme dedans, c'est vraiment
pas mal.
Alex
TAILLEFER
2
Rue Barigny
77100
MEAUX
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