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Ce blog n'est pas un livre construit mais un ensemble de touches d'émotions ou de réflexions nées de quelques années de parcours professionnel et amical dans trois pays du Sud essentiellement : Haïti, Congo RDC et le Sénégal. Vos commentaires sont bienvenus autour de ces textes sans prétention. Juste un partage pour aussi faire découvrir de belles histoires au Sud et des moins drôles. Et n'oubliez pas de cliquer sur "plus d'infos" pour voir la suite de chaque billet !

jeudi 21 juillet 2011

DISCUSSION SUR UN BANC AUTOUR DU GENOCIDE DES PETITES BETES


La vie est bizarre. Un ami a créé un site qui s'appelle le banc. Il me demande d'écrire un texte pour son banc. Et moi, dans l'article précédent, je phosphore sur la disparition des abeilles et sur l'invasion des coccinelles.  Et me vient ce conte, testé avec des enfants, mais c'est en fait un conte pour adulte. Pardonnez moi. Bernard

La petite fille de huit ans, Diane de son prénom, était assise sur le banc.
Punie, puisqu’elle avait mal répondu à sa mère
Peu importe qu’on soit mercredi, jour des enfants,
Peu importe qu’il fasse beau (si rare en ce mois de juillet),
Une maman est une maman et on ne lui répond pas. Nah !

Alors le banc était le piquet de la petite fille tandis que son frère faisait du roller, sans oublier quelques pieds de nez à sa sœur punie.

Diane allait se laisser mourir d’ennui (et de rage contre sa mère) quand elle eut soudain de la visite impromptue : une abeille à droite, une coccinelle à gauche.

Diane a failli s’énerver avec la coccinelle : « quoi, encore toi ? J’étais en Vendée la semaine dernière, on ne pouvait même pas manger au restaurant. Vous aviez déroulé le tapis rouge, mais quel tapis rouge ! Un tapis rouge avec des pattes. Aujourd’hui on ne peut même pas faire un pas au jardin des tuileries et, pire, dans les parcs de Villejuif, sans tomber sur tes sœurs à sept points noirs sur le dos ? Vous aviez déjà fait le coup en 1991 (d’accord je n’étais pas née), en 1997 (pas née encore mais on m’a raconté) ou encore en 2005. Que vous a–t-on fait pour que vous vous preniez pour des Vikings, à nous envahir d’un coup d’un seul ? »

La coccinelle se fâche tout rouge (eh, eh, elle est bonne celle-là !) et répond aussi sec à la petite fille : « Dis donc, qu’est-ce que tu apprends à l’école ? On ne t’a pas dit qu’il y avait la sécheresse et que les paysans se dépêchaient de récolter ? Et toi, tu crois qu’on se cachait où ? Dans les champs de blé ! Mais avec leurs machines qu’on ne supporte pas, mais pas du tout (pollution par le bruit, par la poussière) ! Nous avons dû fuir : exode rural ! Et il y avait un de ces vents ! Nous avions la trouille de nous retrouver emportées en pleine mer. Mais nous avons été malignes. Nous avons sorti le train d’atterrissage pour descendre sur vos plages, sinon c’était le bouillon ! Et on peut cohabiter non ? Vous, vous avez bien cohabité entre la gauche et la droite. Vous pouvez bien nous faire une petite place sans rechigner ! ».
Diane est un peu ébranlée : d’une part parce qu’elle n’a pas l’habitude d’entendre une coccinelle parler. Encore moins faire de la philosophie. Diane se fait interpeller par sa mère.

 Elle l’envoie sur les roses (mais garde la coccinelle) : « ne me dérange pas. Je suis dans ma leçon de choses ». Comme il fait beau, la mère ne la ramène pas.

Diane n’est pas très chrétienne mais sait bien qu’on appelle les coccinelles les « bêtes à Bon Dieu ». Donc il faut faire attention à ce qu’on leur dit, des fois qu’elles iraient tout rapporter là-haut. Et puis comme les parents de Diane militent à gauche, elle sait ce que c’est que la solidarité. Donc faut faire gaffe avec les coccinelles…

Le banc commence à s’énerver. Ce dialogue, qui laisse de côté l’abeille ne lui semble pas du tout participatif. Certes, il aime la discussion (forcément la nature cela le concerne sinon on le remplacera par un ascenseur dans un grand « Crédit Lyonnais ») mais il n’empêche que d’ici là il faut savoir se parler pour lutter ensemble. Et il se met à parler :

Le banc : « Diane, vraiment, je crois que tu devrais moins regarder de dessins animés à la télé !. Tu écoutes ? Moi je vais te dire ce que notre amie la coccinelle a oublié de te dire : quand on coupe les champs de blés, cela ne libère pas seulement des sauterelles mais aussi des pucerons. Et les coccinelles sont les grands prédateurs des pucerons ».

Diane : « toi le banc, qu’est-ce que tu as contre les pucerons ? Tu n’aimes pas tout le monde ?

Le banc : « Tu as déjà vu des pucerons sur les rosiers de ta maman ? Tu as déjà eu des pucerons dans ton lit ?

Diane : « Les pucerons ? On n’en fait qu’une bouchée dans les rosiers. Un coup de « Round up » et l’affaire est réglée ! » Mais dis moi, banc, c’est quoi des prédateurs ? »

Le banc : « C’est difficile à expliquer. Ce sont des gens qui « mangent » les autres, par exemple Sarkozy, Berlusconi, Bush, Khadafi, Ben Ali. Des prédateurs, il y a en a plein le monde : à deux pattes, à quatre pattes, à six pattes ou sans pattes du tout. »

Diane : « Donc un prédateur, c’est méchant ? »

Le banc : « Non, il ne faut pas confondre. Les prédateurs dans le monde des adultes, ce sont des gens qui n’ont pas de bonnes motivations. Ils courent après l’argent, le pouvoir. Mais tu crois que la coccinelle est dans ce même monde ? Non, elle se nourrit seulement et en se nourrissant, elle arrange bien les affaires des grandes personnes. Grâce à elles, nous pouvons avoir des fleurs et des légumes sans pesticides ».


L’abeille : « Je peux en placer une ? Et Diane tu vas commencer par jeter le « round up » de ta mère. Toutes ces cochonneries qui nous tuent !»


Diane: « ok, mais tu restes à distance, car tu es une super hypocrite. Tu nous donnes du miel mais en même temps, si tu peux nous piquer, tu ne nous rates pas ! Il faut une vraie carapace de cosmonaute pour t’approcher ! Ma maman m’a toujours dit que quand tu approches il ne faut pas bouger et surtout fermer la bouche car si je t’avale et que tu me piques, je meurs ».

Le banc : « Diane, tu arrêtes ta parano ? »


L’abeille : « Banc, tu ne parles pas à ma place. Tu dis que tu es participatif mais tu as toujours le crachoir. Mais je dois parler et que personne ne m’interrompe ! Tout à l’heure, Diane ne m’a pas bien accueilli. A preuve : elle a discuté avec la coccinelle et pas avec moi. Alors que je suis victime d’un génocide ».

Diane : « banc, c’est quoi génocide ? »

Le banc : « Diane, c’est l’horreur : un génocide, c’est quand on tue tout un peuple. Volontairement, délibérément, juste parce qu’il ne serait pas de la bonne couleur, de la bonne race ou de la bonne religion. Comme les Allemands ont tué les Juifs lors de la guerre 39-45, comme les Serbes ont tué les musulmans à la dislocation de la Yougoslavie, comme des Tutsis ont été tués au Rwanda, avec des Hutus modérés. Il y a des formes plus complexes de génocide, comme Kadhafi qui tue son peuple, à ce qu’on dit mais je pense que c’est vrai ».

L’abeille : « dis, tu me laisses parler ? Arrête de penser pour nous comme les ONG de solidarité internationale !»

La coccinelle : « Eh ! Abeille, ne fais pas la maligne. En Vendée, sous prétexte qu’on les empêchait de manger, les touristes, mais surtout les hôteliers ne nous faisaient pas de cadeaux. Et le commerce des bombes insecticides (contre moi et mes sœurs) a dû marquer un pic ».

La maman de Diane commence à se poser des questions. Sa fille, punie, ne pleure pas ; Elle a juste les sourcils froncés. Concentrée. La maman n’insiste pas : quand il fait beau, quand on est dans un parc, on ne punit pas.

L'abeille : « Coccinelle, je ne fais pas la maligne. Mais tu devrais apprendre de notre peuple et de ce qui lui arrive. Il y a eu de sales histoires entre les hommes dans le passé. On croyait que l’affaire était finie. Mais regarde ce qui arrive aux Noirs qui viennent en pirogue depuis l’Afrique ? Regarde comment on traite les Harkis en France ? Regarde le devenir des Chicanos originaires du Mexique aux Etats-Unis. Alors, petite coccinelle, tu n’es pas protégée. Mais laisse moi te raconter mon histoire ».

La coccinelle : « Pourquoi tu pleures ? »



L'abeille : « Je ne pleure pas plus que Diane ou le banc. Regarde-les ! »




Tous : « Faisons gaffe, la mère de Diane va rappliquer ! »

L'abeille : « Allez, je vous dis tout. Mais ne répétez pas mes paroles sinon je risque d’être fichée. »



Tous : « tu nous fais confiance ou pas ? »

L'abeille : « Je suis bien obligée car moi aussi je risque de mourir, comme toutes mes sœurs qui sont parties. Le problème est qu’on n’a jamais trouvé leur corps. Faire le deuil sans corps, c’est difficile, non ? Que s’est-il passé ? Une sorte de collision qui nous a été fatale : des pesticides plus une bactérie qui est dans la nature ; il paraît que la rencontre des deux nous détruit. Ne me demandez pas de détails. Ce que je sais me vient des associations d’apiculteurs. Plutôt des gens qui nous aiment (forcément, ils gagnent avec nous … du profit ? En tous cas, les 35 heures ne sont jamais arrivées chez nous) mais ces associations se battent pour nous. Ce sont les scientifiques qui ont mis en évidence cette histoire de collision de pesticides et de bactéries. Le fait est que nous mourrons, nous mourrons, nous mourrons ».

La coccinelle : « Donc, c’est comme nous ? »

L'abeille : « Ne compare pas ce qui n’est pas comparable. Moi et mes sœurs nous travaillons pour la pollinisation. Cela veut dire, on prend le sperme ou les ovules d’une plante et on les porte sur une autre pour faciliter la reproduction. Toi tu ne fais que bouffer les pucerons. Tu ne crées pas la vie ».

Diane : « c’est quoi sperme ? C’est quoi ovule ? »

Manque de chance : les oreilles de maman traînaient. Banc sait faire diversion.

Le banc : « Diane, on ne dit pas « bidule ». On ne dit pas « spérance » mais espérance.

Maman à banc : « Je vois qu’on peut vous faire confiance. Vous savez élever le débat »

L'abeille : « Celle-là, elle commence à me faire braire. Je vais la piquer. »






Tous : « vas-y, vas-y »

L'abeille : « et la fin de mon histoire ?»




Tous : « vas-y, vas-y »

La maman : « vas-y, vas-y »

L'abeille : « Eh bien je dois vous dire au revoir. Je vais me sauver en Afrique. Là-bas, il n’y a pas de centrales nucléaires qui vous sautent sur les trompes et j’ai appris que là-bas les abeilles ne meurent pas. Je ne sais pourquoi. Mais au moins je pourrai produire le miel que je veux car là-bas, ils se moquent des normes de la commission européenne. Le pied : miel de brousse, miel d’acacia, miel de palétuvier ! »

La coccinelle : « Tu m’emmènes ? »

Et le banc pleura. Lui, il était rivé dans son parc et maintenant ses pieds lui faisaient mal.

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